Le rugby est un sport de contact intense, avec des phases de course, de collisions, de changements de direction brusques, des chutes, etc. Ces caractéristiques expliquent la forte incidence de blessures, souvent graves, parfois durables. Comprendre quelles blessures sont les plus fréquentes, pourquoi elles surviennent, comment les soigner et les rééduquer au mieux, est essentiel pour réduire les risques et optimiser la performance.
Blessures les plus fréquentes et leur épidémiologie
Voici ce que montrent les études récentes :
| Type / localisation | Fréquence / incidence & gravité |
|---|---|
| Blessures musculaires (ex : ischio-jambiers, quadriceps, adducteurs, mollets, etc.) | Très fréquentes en matchs et entraînements. Dans une étude sur l’équipe nationale espagnole masculine à XV, les blessures musculaires représentaient ~41,6 blessures pour 1 000 heures-joueur durant les matchs. |
| Commotions cérébrales (concussion) | Egalement très fréquentes. Dans la même étude espagnole, environ 29,1 / 1 000 ph. Dans les compétitions internationales de Rugby Sevens sur 10 saisons, les commotions constituaient ~12,6 % des blessures. |
| Entorses / lésions ligamentaires, articulaires | Fréquentes, particulièrement au niveau du genou (ligaments croisés, collatéraux) et de la cheville. Par exemple, dans une étude sur des lycéens en Afrique du Sud, les blessures des membres inférieurs (genou, cheville) forment une proportion importante. |
| Traumatismes crâniens et de la colonne vertébrale | Moins fréquents, mais avec des conséquences plus graves. Dans une étude française, 199 cas d’atteintes crânio-faciales ou spinales sur plusieurs années, avec séquelles possibles. |
| Blessures pendant l’entraînement vs matchs | Beaucoup plus d’accidents pendant les matchs que pendant les entraînements. Par exemple, l’étude espagnole note une incidence très élevée en match (≈ 100 blessures / 1 000 h-joueur) contre ≈ 1,17 en entraînement. |
| Blessures récidivantes / secondaires | Le taux de récidive est élevé pour certaines blessures (musculaires notamment), surtout si les critères de retour à la compétition ne sont pas bien respectés. |
Étiologies (causes) des blessures au rugby
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Les facteurs de risque (étiologies) sont multiples, souvent associés. En voici les principaux :
Chocs / collisions
Le fait de plaquer ou d’être plaqué, les collisions frontales ou latérales sont des mécanismes majeurs pour :les commotions cérébrales
les fractures, les lésions faciales, les lésions de la colonne cervicale ou dorsale
les entorses du genou ou de la cheville lors de blocages ou rotations forcées
Mouvements explosifs, changement de direction, sprint
Les blessures musculaires (ischio-jambiers, quadriceps etc.), les déchirures, les désinsertions du muscle apparaissent souvent lors de phases à haute vitesse ou de tension excentrique (muscle allongé tout en travaillant).Fatigue, surcharge / surentraînement
Un joueur fatigué voit sa technique se dégrader, ses appuis devenir instables, ses délais de réaction ralentis, ce qui augmente les risques d’entorse, de blessure ligamentaire ou musculaire. Cela peut aussi concerner les commotions si la vigilance diminue. Certaines études montrent que les joueurs ayant eu beaucoup de charges intensives dans la semaine précédente ont plus de blessures musculaires.Antécédents de blessure
Une blessure précédente est un facteur de risque élevé de récidive, notamment pour les ischio-jambiers.Mauvaises techniques / postures inadaptées
Technique de plaquage incorrecte (tête en position défavorable, impact tête-tête)
Mauvais échauffement ou absence d’étirement approprié
Mauvaise répartition des charges, surfaces instables, équipement inadapté (chaussures, protections) etc.
Facteurs liés au joueur
Âge, niveau de jeu (élite vs amateur), position (avant vs arrière), masse corporelle, condition physique de force, de flexibilité, de mobilité, etc. Par exemple, les arrières (backs) ont plus de blessures musculaires (lors de sprint par exemple) que les avants dans certaines études.Facteurs environnementaux
Surface de jeu (terrain naturel vs artificiel), conditions météo, qualité du sol, équipement, charge d’entraînement, fréquence des matchs. Par exemple, dans une étude sur 20 saisons de Premiership Anglaise, les blessures du genou étaient plus fréquentes sur des surfaces artificielles type synthétiques.
Conséquences
Temps d’absence : les blessures peuvent entraîner des arrêts de plusieurs jours à plusieurs semaines, voire des mois (LCA, fractures graves)
Limitation fonctionnelle à long terme : douleurs chroniques, arthrose, séquelles neurologiques après traumatismes crâniens, etc
Impact psychologique, perte de performance, coût pour le joueur et le club, danger pour la carrière du joueur s’il ne retrouve pas son niveau rapidement.
Principes de rééducation & protocoles scientifiquement validés
Voici les meilleures pratiques (“evidence-based”) pour la rééducation des blessures les plus fréquentes.
Rééducation d’une entorse / lésion musculaire (ex : ischio-jambiers)
Spécifiquement pour les blessures musculaires, dont les ischio-jambiers :
Un article de revue “Rehabilitation and return to sport after hamstring strain injury” (J Sport & Health Sci, 2017) décrit les étapes suivantes : identification du grade, traitement aigu, progression vers la charge, retour au sport
Protocoles basés sur des critères : absence de douleur, retour de la force équivalente de manière bilatérale (rapport entre jambe blessée et jambe non blessée), bonne flexibilité, performance fonctionnelle (sprint, saut, changements de direction) sont souvent utilisés comme critères de retour à l’activité
Exercices excentriques : des programmes comme “Nordic hamstring” ou d’autres exercices de renforcement excentriques sont utiles pour diminuer les taux de récidive et améliorer la force musculaire
@allblacks Don’t underestimate how hard this is. #allblacks #rugby #nz #gymtok #calebclarke #hamstrings ♬ original sound – AllBlacks Retour progressif : commencer par repos relatif, puis travail léger, progression vers des activités spécifiques au rugby, puis charge normale et retour complet
Rééducation après concussion (commotion cérébrale)
Les fédérations et organisations ont mis en place des protocoles clairs.
World Rugby impose des règles strictes : tout joueur suspecté de commotion doit être retiré immédiatement du terrain, évalué par un professionnel de santé, et suivre un protocole de retour à la compétition (“graduated return to play”) personnalisé.
Exigence minimale : repos physique et cognitif initial (24-48 h) avant de commencer une activité légère. Le retour au jeu ne doit pas survenir tant que les symptômes ne sont pas disparus.
Nouveau protocole pour le jeu élite (depuis 1er juillet) : tout joueur avec commotion diagnostiquée doit être écarté au minimum 12 jours des terrains, avec l’approbation d’un consultant indépendant en commotion si nécessaire. Aucun retour possible avant le septième jour, même si certaines conditions sont remplies, mais c’est rare.
Rééducation des blessures articulaires (genou, cheville)
Pour les entorses, on insiste sur la rééducation fonctionnelle : restaurer amplitude, force, proprioception, contrôle neuromusculaire.
Spécificité : pour les blessures sérieuses comme le ligament croisé antérieur (LCA), le protocole post-opératoire s’étale sur plusieurs mois, avec étapes claires (renforcement quadriceps / ischio, travail de stabilisation, travail isocinétique, simulation des mouvements de jeu, etc.).
Tests de retour à la compétition : tests de saut, de changement de direction, ratio de force, asymétrie : il est souvent exigé que la jambe blessée atteigne > 90-95 % de la jambe saine selon ces critères. (Les revues de RTP dans les blessures d’ischio mentionnent la force, l’absence de douleur, la performance fonctionnelle comme critères).
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Exemple de protocole de retour à la compétition / situation “type”
Voici une progression typique pour une blessure musculaire (ischio-jambier) :
Phase aiguë : repos relatif, glace, compression, drainage si nécessaire. Éviter les mouvements douloureux, limiter l’inflammation.
Phase subaiguë : début du renforcement léger, étirements doux, mobilité, travail isométrique et excentrique modéré, marches ou jogging léger selon tolérance.
Phase de charge : progression vers la vélocité, exercices pliométriques, activité spécifique (sprint, changements de direction, sauts), travail en situation de match sans contact.
Phase de retour au jeu : intégration dans le groupe, contact, participation complète, avec test de performance sans douleur.
Limitations et domaines nécessitant plus de recherche
Malgré les meilleurs protocoles, beaucoup de blessures récidivent, notamment les blessures musculaires. Il y a un manque d’uniformité dans les protocoles de “retour à la compétition” et dans les critères exacts utilisés.
Moins de données disponibles pour certaines blessures rares, pour les jeunes, les joueuses féminines, ou les niveaux amateurs.
Le rôle exact de certains traitements (par exemple, les injections PRP pour les ischio-jambiers) est encore incertain.
Conclusion
Les blessures au rugby sont nombreuses, variées, souvent graves, mais on a aujourd’hui de bonnes bases scientifiques pour les prévenir, les diagnostiquer, et les rééduquer. L’enjeu majeur est de respecter les protocoles de retour à la compétition, s’appuyer sur des critères objectifs, adapter la rééducation au type de blessure et au joueur, et les prévenir via la technique, la condition physique, la planification et l’organisation.
Si vous souhaitez plus d’informations sur un type de blessure ou comment les prévenir ou les rééduquer, n’hésitez pas à nous le faire savoir en commentaire.
Bibliographie
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Bruno Lancelle, né en 1986 à La Seyne-sur-Mer (Var), aujourd’hui Kinésithérapeute, est un ancien joueur de rugby à XV qui évoluait au poste de demi d’ouverture, passé par Toulon, Lyon, Provence Rugby, La Seyne-sur-Mer, US bressane, Lille et Hyères.












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